Articles de presse
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L'Agend'Art (Lyon)
Tomek DZIANO en Pologne
Interview: A Tribute To John Lee HOOKER
1ère partie de Kelly Joe PHELPS, au Radiant (Caluire)
24e festival Rhino-Jazz de Rive-De-Gier
L'Agend'Art (Lyon)
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Un soir de pluie, sur le plateau de la Croix-Rousse, l’Agend’Art éclaire
la rue de ses ampoules de fêtes foraines un peu kitsch pour la devanture
d’une salle. Une salle on ne peut plus petite, quelques chaises alignées
constituant la trentaine de places prêtes à recevoir le public du
groupe programmé, le Tomek DZIANO Trio.C’est une salle associative qui
accueille des expositions,
proposent des lectures, organisent des concerts. Une graine d’art locale.
Après un repas au bistrot d’à côté, les musiciens
sont là, un peu de famille aussi, des amis. Tomek est bien sûr
à la guitare et au chant, Stéphane RANALDI qui le suit depuis
plusieurs années est à la batterie, et le tout nouveau est
Christophe GAUVERT qui tient la contrebasse.
Cette formation vient donc compléter les différentes
géométries dans lesquelles évolue Tomek, à savoir
en solo, ou en duo avec
Fred BROUSSE.
Le premier set a débuté acoustique. Nous avons eu droit aux
désormais classiques de son répertoire, tel "You Have No
Mercy" et d'autres compositions personnelles ainsi que des standards
piochés dans ses deux précédents albums "Driving
Licence" et "Prodigal Son".
La petite salle et la proximité du public incitait Stéphane
à jouer tout doux et à utiliser souvent les balais. Ambiance
un peu jazzy, jeu plus souple que d'habitude, et surtout une frappe
ingénieuse, originale.
La contrebasse est un formidable instrument. C'est avec dynamisme que
Christophe en joue. Au service des morceaux de Tomek, le son de la contrebasse,
profond et sensuel, enveloppait l’espace de la scène.
C'est un écrin de velours dans lequel ces trois musiciens purent
s'épanouir.
Aujourd'hui, Tomek a un style personnel, issu de la maturité et de
la démarche artistique qu'il a réussies à définir,
qu'il applique en grande partie à ses propres compositions ainsi
qu'à des standards de Chicago blues. Pour preuve, le blues lent
"Early In The Morning" qui nous fut joué fut un magnifique
moment car Tomek a l'art de charger ses interprétations d'une part
d'émotion non négligeable liée à une technique
instrumentale fascinante tout en adoptant sur scène une attitude humble
et réservée.
Le deuxième set fut d'aussi bonne qualité mais joué
à l'électrique. Il donna l'occasion d'entendre un remarquable
medley en hommage à John Lee HOOKER, une influence majeure de Tomek.
Malgré un public restreint, la soirée fut conviviale,
particulièrement agréable et l'atmosphère qu'ont su
installer le Tomek DZIANO Trio y était pour beaucoup. Cette musique
blues, quand elle se fait intimiste et confidentielle, peut-elle être
plus proche des gens ?
Tous les ans, en Pologne, la ville de Rawa Mazowiecka fait sa foire. Ces
festivités, qui durent
une semaine, se terminent par un festival appelé tout simplement
"Noc Bluesowa" ("Nuit du
blues").
Cette année, ces nuits du blues eurent lieu le 30 et 31 mai.
En début de semaine, partant de Lyon, nous avons tassé le
matériel et les bagages dans la voiture
et avons pris la direction de la Pologne. Nous étions trois : le
batteur Stéphane RANALDI, Luc
BLACKSTONE le bassiste (Luc est aussi bassiste du groupe Brown Sugar),
et moi pour la guitare et
le chant. Nous sommes partis quelques jours avant pour pouvoir nous
produire dans deux salles de
Pologne et retrouver quelques connaissances.
La première étape fut ma ville natale, Lodz. Je ne me
rends en Pologne qu'à peu près une semaine
par an, aussi j'étais très content de pouvoir passer un
peu de temps là-bas.
Le mercredi soir, nous donnions un concert à Lodz, dans un club
de blues qui s'appelle Jazzga. C'est
un club assez connu en Pologne. Il reçoit beaucoup de musiciens
de grande notoriété, des Américains,
des Français (Hiram BULLOCK, Dean BROWN, K. SCIERANSKI, Jan
PTASZYN WROBLEWSKI, ...). Il n'y a pas longtemps, Jean-Jacques MILTEAU a
également joué là-bas.
Ce n'est pas une très grande salle. Elle est toute en longueur et
est agencée en plusieurs parties,
elle doit pouvoir recevoir 200 personnes à peu près.
Une fois en Pologne, un quatrième musicien, Jarek LISOWSKI, nous
a rejoint. Il faisait partie de mon
groupe quand j'étais encore en Pologne et il est venu avec moi
jouer de la contrebasse au début où
je jouais en France, en 1990-91. C'est un super guitariste, qui a
vraiment un style à lui, et qui est
certainement, d'après moi, parmi les meilleurs guitaristes de
blues en Pologne.
Jarek LISOWSKI est le leader de Coffee Shop et son groupe a
réalisé avec brio la première partie de cette
soirée.
Ce soir-là, on a joué électrique et acoustique. Le
concert a été enregistré par la troisième
chaîne
de télévision et la chaîne câblée Toya.
Je pense qu'on aura une copie du film de ce concert une fois
qu'il sera monté, peut-être dans quelques semaines.
Cependant, il y avait des petits problèmes
techniques pour enregistrer en façade donc je ne suis pas
sûr du résultat.
Le concert s'est très bien passé. C'était mon
premier concert dans ma ville natale depuis 11-12
ans et pour moi, personnellement, c'était un moment très
important. Il y avait du monde. Bien que
ce fut un mercredi, c'était plein.
Le lendemain, nous avons joué dans une ville pas très loin
de Lodz, Pabianice. C'est une grande ville
ouvrière à environ une quinzaine de kilomètres de
Lodz,. Ce soir-là, nous jouions dans un club de
blues qui s'appelle Bullfrog. Cette fois, il n'y avait pas la
télévision, mais il y avait encore une
fois beaucoup de monde et tout s'est bien déroulé. Le
groupe Coffee Shop a à nouveau ouvert la soirée pour
nous et celle-ci a duré jusqu'à quatre heures du matin
car les musiciens présents dans la salle sont venus jouer sur
scène et nous avons beaucoup bœuffé.
Pabianice est une petite ville mais il y a beaucoup de groupes de blues.
La scène blues y est très
dynamique pour une petite ville de peut-être 200 000 habitants
seulement, et il y une dizaine de
groupes de blues que je juge de niveau professionnel.
Enfin, le vendredi, le festival commença à Rawa
Mazowiecka, entre Lodz et Varsovie (60km de Varsovie).
Un tremplin était organisé. Onze groupes étaient
retenus pour ce tremplin, et je faisais partie du jury
constitué de sept personnalités du monde du blues. Le
premier jour était donc consacré à l'écoute
des
groupes amateurs qui participaient au tremplin, le groupe gagnant devant
faire la première partie de
la soirée du lendemain.
Chaque groupe pouvait jouer seulement 3 morceaux, environ 15 minutes.
C'est court, c'est dur, mais il
n'y avait pas vraiment d'autres solutions. Pour juger, il faut avoir les
idées claires en écoutant les
groupes et si on écoute onze groupes une demi-heure chacun,
ça devient impossible. On est fatigué et le
jugement devient moins objectif. Réaliser le tremplin sur deux
jours favoriserait trop ceux qui jouent
le deuxième jour. Mais bon, il y a des tremplins où on ne
peut jouer que deux morceaux.
Electrique ou acoustique, il n'y avait pas de catégorie
particulière. C'était tout de même plutôt
électrique mais il y avait quatre groupes sur les onze qui
étaient entièrement acoustiques.
Les groupes venaient surtout de l'Europe de l'Est (Biélorussie,
Tchéquie, Slovaquie, Hongrie) mais
aussi d'Allemagne, de France, et bien sûr de Pologne.
Avec 3 morceaux, on arrive quand même à se faire une
idée de ce que valent les musiciens, mais c'est
vrai également que le tremplin est un exercice difficile. Le
temps imparti est court, il y a une forte
pression, et on ne joue pas avec son propre matériel (hormis
l'instrument). On peut facilement imaginer
la pression qu'avait un groupe comme Tia & The Patient Wolves qui
venait de France exprès, en avion,
et qui a juste trois morceaux pour convaincre. En cela, l'équipe
organisatrice était très compréhensive
et s'est montrée agréable à tout moment.
Le jury était composé de 7 personnes dont je connaissais
déjà deux-trois d'entre elles. Il y avait
l'auteur de l'Encyclopédie Du Blues en Pologne, Marek JAKUBOWSKI
dont l'ouvrage correspond à peu près
à l'Encyclopédie de Gérard HERZHAFT que nous
connaissons. Cependant celle de JAKUBOWSKI est très ciblée
sur la Pologne et il n'y a que quelques inserts concernant des artistes
américains. Marek JAKUBOWSKI
est également associé au magazine "Twoj Blues"
dans lequel je devrais avoir un article dans trois
mois environ. C'est le Soul Bag polonais mais qui ne parle que de blues
(www.delta.art.pl).
Witold FRANKIEWICZ représentait le site web
www.blues.pl qui est un site
d'information très important.
Wieslaw CHMIELEWSKI fait partie de "Twoj Blues" et est
animateur sur Radio Fama
(www.radiofama.com.pl).
Il y avait Jan LITECKY-SVEDA, un musicien de Slovaquie qui, comme nous,
devait jouer le lendemain, et
un journaliste biélorusse, Dimitri PODBIAREZKI.
Andres BEZR était de République tchèque. Pour ma
part, étant d'origine polonaise et vivant en France depuis des
années, ce fut un grand honneur d'être invité pour
représenter la France et la radio
Fréquence
Jazz qui émet sur Lyon.
Il fallait avoir un niveau assez élevé pour ce tremplin.
Il y avait même deux ou trois groupes qui
avaient un niveau trop professionnel, comme les JJ Band. C'est un groupe
très intéressant et mûr, qui
n'a pas gagné de prix parce que, je pense, on a estimé
qu'ils étaient présents dans toutes les
programmations de Pologne et n'avaient pas forcément leur place
dans un tremplin quant à leur statut
quasi professionnel. Il valait mieux donner leur chance à
d'autres groupes qui avaient plus besoin
d'être mis en avant plutôt que toujours donner les prix aux
mêmes participants.
Le premier prix a été attribué à Big Val,
Sven & Al. C'est un groupe biélorusse acoustique et ils
jouaient parfaitement bien. Les musiciens étaient jeunes,
l'harmoniciste était intéressant et ça
dégageait pas mal. On avait l'impression d'être dans le
Mississippi. C'était tellement bien chanté
et tellement bien joué qu'on pouvait fermer les yeux et avoir
l'impression d'être là-bas. Ils ont bien
mérité leur victoire.
Le deuxième prix a été attribué à
Hoochie Coochie Band de république tchèque. Ils faisaient
un blues
très rythmé et très énergique. Parmi les
membres, il y avait un contrebassiste. Leur style dynamique
m'a fait pensé à George THROROGOOD. C'était
sympa.
Le troisième prix fut décerné à Tia &
The Patient Wolves. Ce groupe était, à mon avis, le seul
groupe
de ce tremplin qui avait une touche personnelle. Ce qu'ils ont fait est
très intéressant. Je les
connaissais déjà un peu car on avait bœuffé
ensemble une fois au Hot
Club de Lyon, à la suite d'un
concert des Chicagones. En fait, je cherchais un groupe français
pour participer à ce tremplin et
c'est le bassiste des Chicagones, Olivier, qui m'avait
présenté Lætitia GOUTTEBEL. Plus tard, dans
la soirée, on a joué un peu ensemble, dans la chambre
d'hôtel, et nous avons passé un bon moment
ensemble.
Il y eut également un prix du jury décerné au
groupe Patchwork qui a une excellente chanteuse. Vocalement,
elle est très influencée par Janis JOPLIN. Elle a
chanté plusieurs titres de Led Zeppelin. A mon
avis, cette chanteuse a un vrai potentiel. Par contre, c'était
plutôt blues-rock mais le public a
beaucoup apprécié. Je pense d'ailleurs que le public de
cette ville aime particulièrement le blues-rock.
Parmi les groupes non récompensés, il y avait Waldek
BARYLO qui jouait une sorte de blues manouche.
C'était bien mais un peu hors-sujet et ça n'a pas eu l'air
de toucher beaucoup de monde.
René LACKO Band était un groupe de bonne qualité
mais c'était une copie conforme de Stevie Ray VAUGHAN
et donc ça n'apportait pas grand chose.
Après le tremplin, ont eu lieu les concerts de P.L.A.N., un
groupe biélorusse, et de Jan LITCKY-SVEDA
& Vitasny TRAKTOR, de Slovaquie.
Le samedi 31 mai, le groupe vainqueur du tremplin de la veille, Big Val,
a débuté la soirée. Ensuite ce
fut Stan The Man's Bohemian Blues Band & Betty S. La voix
particulièrement grave du guitariste-chanteur
est une caractéristique fondamentale de ce groupe.
Puis ce fut notre tour avec Jarek LISOWSKI en invité. Notre
répertoire en hommage à John Lee Hooker fut
essentiellement basé sur des morceaux de lui pour la
première partie de notre concert, puis, dans la deuxième
partie,
nous avons interprété des morceaux de ma composition.
Malheureusement, j'ai l'incroyable impression que
l'audience ne connaissait pas vraiment les chansons de John Lee HOOKER
et il fallut des boogies bien rythmés pour
rendre réceptif et arriver à faire réagir le
public.
La soirée s'est terminée avec un concert réunissant
4 harmonicistes d'origine différentes : Hongrie,
République tchèque, Slovaquie, Pologne. Cette
réunion était à l'initiative de S.WIERZCHOLSKI. Ils se
sont partagés
le temps imparti et ont joué chacun leur tour des standards de
blues.
La treizième édition de ce festival fut un succès
puisqu'il a attiré 5000 personnes sur les 2 jours.
Par exemple, pour le troisième concert, il y avait environ 2000
personnes.
Il faut saluer ici l'homme qui organise cela depuis 13 ans, Ryszard
KRASNODEBSKI. Il fait un travail
remarquable en essayant de mettre en valeur le blues en Pologne. Dans ce
festival, il intervient un
peu à tous les niveaux, même si la sélection des
groupes est faite par la municipalité.
Je pense que dans les années qui arrivent, nous auront l'occasion
d'y voir programmés des groupes
polonais qui ont un très bon niveau, comme Coffee Shop avec Jarek
LISOWSKI qui nous a accompagné
cette année. Le groupe Witek JAKALSKI, Mr Slide,
mériterait également d'y participer.
Je pense aussi à Easy Rider, Tipsy Drivers, et enfin à
Bluesmobile dans
lequel joue Tadek POCIESZYNSKI.
Pour conclure, ce festival, d'année en année, ne fait que
confirmer sa qualité, grâce entre autre au
travail de Ryszard KRASNODEBSKI, et promet encore de belles
éditions pour l'avenir.
D'autre part, le festival est soucieux de s'ouvrir de plus en plus aux
pays européens et, dans ce cadre, serait
particulièrement heureux de pouvoir programmer des groupes
Français. Aussi, les groupes intéressés par ce
genre de projet peuvent me contacter à partir du mois de mars et
je me ferai un plaisir de leur servir d'intermédiaire
pour dialoguer avec l'équipe organisatrice. Contactez-moi.
Interview: A Tribute To John Lee HOOKER
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Tomek DZIANO (guit, voc) est un musicien polonais qui sait ce que c'est que vivre le blues au quotidien, dans la rue. Cet écorché vif, hypersensible au monde qui l'entoure, s'est forgé une personnalité au contact des réalités d'un monde parfois dur et cruel. Au gré des engagements, Tomek s'est construit petit à petit un palmarès enviable, en solo ou avec la formation Street Blues. Il a joué avec Magic Slim, Marva Wright, Bernard Allison, Eddy Clearwater, John Primer, JJ Milteau et au Rawa Blues en Pologne. Les amateurs de blues de la région lyonnaise le connaissent bien. Son blues polonais, inimitable, se distingue par son climat unique, ses influences bluesy, funky et rock. Un blues parfois sombre mais toujours poignant. Ce véritable fan de John Lee HOOKER lui rend un vibrant hommage qu'il nous présente en exclusivité pour la Gazette de Greenwood.
LGDG : Tomek, tu es d'origine polonaise. D'où viens-tu exactement ?
TD : Je viens de Lodz, cité qui est jumelée avec Lyon. C'est une ville d'un million d'habitants avec beaucoup d'industries textiles au centre de la Pologne, à peu près à 100 km de Varsovie.
LGDG : On joue du blues à Lodz ?
TD : Tout à fait ! Je ne vois pas pourquoi on ne peut pas jouer du blues en Pologne ! Très souvent beaucoup de gens sont surpris quand on dit que l'on peut jouer du blues en Pologne ! (rires) Comme si c'était naturel que l'on joue du blues uniquement en Angleterre ou en France... (silence)
LGDG : Le blues est donc universel ?
TD : En Angleterre, c'est vrai que les musiciens ont beaucoup fait avec Eric Clapton, Peter Green... Mais si on réfléchit, la musique est mondiale, surtout quand on apporte une couleur différente au blues.
LGDG : C'est-à-dire ?
TD : Dans les pays de l'Est, on a une autre approche et interprétation de la musique. J'ai l'impression que l'on regarde plus les apparences à l'Ouest. On essaye plus d'imiter le style, copier les morceaux, faire sonner pareil que sur le disque... Alors qu'à l'Est, on recherche plutôt le climat, mais pas les sonorités exactes. On dit en Pologne, que l'on doit ressentir le blues avant d'apprendre à le jouer.
LGDG : C'est ce climat que tu essayes de faire passer sur les deux albums "Driving Licence" et "Prodigal Son" ?
TD : Tu sais, comme tous les musiciens on a tous des influences. On apprend à jouer comme cela. Après on est capable, sans préméditation, d'avoir un son et un style propre. On prend un petit peu de quelqu'un et en même temps on est sensible à toutes les sonorités que l'on reçoit.
LGDG : Parlons de tes influences ?
TD : C'est tout à fait clair que c'est John Lee HOOKER ! Je pense que c'est quelqu'un qui m'a beaucoup marqué. J'aurais vraiment parcouru toute l'Europe pour voir son premier concert il y a une bonne quinzaine d'années. C'était à l'occasion de son European Tour avec l'album "The Healer" à Paris.
LGDG : Qu'est-ce que l'on ressent lorsque l'on a rencontré John Lee HOOKER ?
TD : J'étais tellement charmé que j'ai oublié de prendre le dernier métro. J'ai galéré à pieds dans la cité internationale... (rires) J'avais envie d'avoir une conversation avec lui. Malheureusement ce ne fut pas possible. Il était bien protégé en backstage... En première partie il y avait John Hammond. Je le prenais pour un musicien noir car je n'avais qu'une cassette de lui en Pologne.
LGDG : Es-tu vraiment fasciné par John Lee HOOKER ?
TD : Hum ! Il y a beaucoup de choses à dire ! Premièrement, sa voix est tellement chaude, paternelle, je le considérais comme un grand-père... Je pense que son originalité est sa façon de jouer de la guitare. J'ai toujours été frappé par les guitaristes et ceux qui disent que John Lee HOOKER ne savait pas jouer de la guitare, qu'il taquinait la guitare avec un son pourri. Moi je me disais, p.... , un son pourri comme ça, aucun de vous ne peut avoir un son comme ça, qui est tellement pointu. Avec quelques notes, il pouvait dire tellement de choses. C'était la simplicité et en même temps, sa façon de jouer, rythmiquement, était vachement compliquée !
On peut soupçonner que c'était facile, mais peu de monde arrive à jouer comme lui et ne peut reproduire cette atmosphère, ce climat... en gardant cette simplicité.
LGDG : En quoi son jeu était-il "rythmiquement" compliqué ?
TD : La façon de traiter la guitare autrement. Très souvent il jouait en rythmique. Sa façon de jouer les basses, ça rappelle la contrebasse. Il touche les cordes à vide, on a l'impression qu'il y avait plusieurs guitares qui jouaient en même temps.
LGDG : John Lee HOOKER disait : «personne ne sonne comme moi, et moi j'ai toujours sonné pareil». Qu'en penses-tu ?
TD : Je pense qu'il a dit cela à la fin de sa vie. Peut-être ne se souvenait-il plus de son parcours ! (rires) Ce genre de phrases a dû être sorti de son contexte ! Il a appris à jouer avec son demi-frère, Willie Moore, mais a surtout créé un style personnel et unique, inimitable. Moi-même j'ai essayé, mais je n'ai pas pu ! (rires)
LGDG : Tu viens de réaliser l'enregistrement d'une démo en hommage à John Lee HOOKER. Faut-il y voir un clin d'œil pour la commémoration de la date anniversaire de sa mort ?
(silence) Je ressens John Lee HOOKER comme quelqu'un qui a fait partie de ma vie en Pologne depuis très longtemps. Ca va peut-être faire sourire certaines gens... c'est difficilement compréhensible... mais sa musique est toujours présente en moi. Sa mort, je l'ai ressentie comme la mort d'un proche... Cela fait un an qu'il est parti. Cette date là m'a fait penser qu'il était temps que je fasse un hommage.
LGDG : quelques impressions sur les 13 titres de John Lee HOOKER que tu as choisis dans ce "tribute" ?
TD : Je voulais montrer John Lee HOOKER différemment de ce que les gens connaissent. Je n'ai pas choisi par exemple "Boom Boom" ! J'ai privilégié les textes et les paroles qui traitent des sujets qui sont toujours d'actualité.
LGDG : Par exemple ?
TD : La chanson "This Land" qui parle de ce qui se passe aujourd'hui. Que l'on se bat tous pour posséder quelque chose de matériel, pour avoir une terre. On provoque la guerre, et finalement on sera obligé de mourir et de laisser la terre qui n'appartient à personne. Cette chanson va plus loin qu'un simple blues.
LGDG : tu es donc attiré par les textes à thème ?
TD : Oui, tout à fait. Par les sujets qui nous touchent. Autre chose que l'histoire de quelqu'un qui nous quitte...
LGDG : est-ce que tu te retrouves dans ce que John Lee HOOKER a pu écrire ?
TD : Oui. Je pense que sa façon de penser m'a beaucoup influencé dans ma vie ainsi que dans ma propre façon de penser. C'est vrai de certaines de ses chansons. J'ai commencé à l'écouter vers 17 ans. Certains messages m'ont accroché. Tout comme sa sensibilité. Je chante "King Of The World" qui parle de cela justement. Si j'étais roi du monde, il n'y aurait pas de guerre, de maladie, j'aurai pu faire de toi ma reine et te mettre avec moi sur mon trône...
Il faut comprendre que John Lee HOOKER était humaniste, prônait l'égalité des races. Je pense que c'était un des bluesmen les plus médiatisés à la fin de sa vie. Il va rester son esprit et son style. Il était très ouvert à tous les styles : latino, rock, salsa. Vers la fin de sa vie, il a pu toucher beaucoup plus de gens que dans les années 70, notamment en jouant avec Mile Davis. Mais, on retiendra qu'il a surtout gardé son style et le message qu'il voulait faire passer.
LGDG : ne crains-tu pas le "déjà-vu" en faisant cet hommage ?
TD : Au départ, un hommage est déjà vu, comme tout est déjà vu aujourd'hui (rires) J'aurai pu faire un hommage à Muddy Waters ou Little Walter, mais ils ne sont pas aussi proches de moi que John Lee HOOKER.
LGDG : ta maquette est-elle bien avancée ?
TD : C'est un matériel suffisamment bien enregistré pour que je puisse proposer mon projet à une maison de disques ou à des gens intéressés par ce projet. Ce n'est pas un produit définitif mais il peut être d'ores et déjà présenté comme tel.
La démarche est originale, le répertoire peu connu... C'est vrai qu'il est difficile d'oublier l'interprétation de John Lee HOOKER. Je suis inspiré par le phrasé, mais ma voix est différente. Ca sonne différemment que lui. J'aimerais bien qu'il en soit toujours ainsi. On est ce que l'on est. En jouant John Lee HOOKER, il faut avoir un groove particulier. Il y a d'autres facteurs : garder le même accord, faire passer un message sans changer d'harmonie...
LGDG : de quels instruments joues-tu sur cette démo ?
TD : Je joue de la guitare acoustique, électrique, je tape du pied et je chante. C'est tout ! (rires)
LGDG : a ton avis, que va retenir de John Lee HOOKER la nouvelle génération ?
TD : Il est important d'utiliser ce qu'il a fait. Beaucoup de gens ne savent pas que certains morceaux sont de lui... dans le boogie, dans le blues rock.... C'est comme la rythmique de Bo Diddley.
LGDG : comment est perçu JLH en Pologne ?
TD : Pour beaucoup de gens, c'est un personnage légendaire. On connaît pas mal d'enregistrements qui étaient difficiles à trouver à l'époque... Il fait partie des plus grands bluesmen comme Muddy Waters, mais il est tellement différent...
LGDG : Parlons maintenant de ton groupe. D'où vient le choix du nom : STREET BLUES ?
TD : Hum, Street Blues ça peut vouloir dire beaucoup de choses ! J'ai commencé à jouer avec mon groupe en Pologne en 1986. On a joué beaucoup dans les rues... En même temps ça veut dire que c'est l'histoire de la rue, avec un double-sens.
LGDG : présente-nous les albums de Street Blues ?
TD : Le premier album "Driving Licence" c'est la fusion de plusieurs styles avec des musiciens différents, notamment avec Fred Brousse à l'harmonica sur un morceau. C'est un disque passage entre la formation acoustique et une formation plus musclée, électrique, que j'ai menée plus tard.
Le deuxième cd "Prodigal Son" [voir chronique dans LGDG n°22] est la continuité de la route faîte ! mais pas du premier album. Il y a des compos personnelles et deux reprises de John Lee HOOKER. Le premier a été fait dans une période transitoire. Il fait aussi partie du passé. Aujourd'hui, je reprends les morceaux du premier disque en acoustique de manière totalement différente.
LGDG : En parlant de Fred Brousse, vous avez un projet ensemble ?
TD : Si je n'avais pas de projet, ce serait tragique ! Oui avec Fred, on a un très joli répertoire. Pour ceux qui me connaissent ça risque de les surprendre ! C'est plus mélodique, joyeux, que ce que je fais avec Street Blues ou avec JLH. C'est un duo, on chante sur certains morceaux à deux voix. Je joue acoustique et Fred à l'harmonica. On a un projet d'enregistrement ensemble en studio. J'attends simplement le passage de la vague de chaleur qui m'empêche d'être en forme (rires).
LGDG : l'hommage à JLH a-t-il déjà reçu un écho favorable ?
TD : Tout à fait. Mais pas seulement dans les festivals de Blues... Notamment au festival Rhino Jazz Festival à Rive de Giers (Loire) le 12 octobre 2002. Je voudrais dire pour finir que je ne veux pas non plus être pris pour quelqu'un qui joue sans arrêt et uniquement John Lee HOOKER. C'est seulement un passage pour moi...
1ère partie de Kelly Joe PHELPS, au Radiant (Caluire)
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[...] Mais tout d’abord, et pour émoustiller les oreilles des spectateurs
avant les concerts suscités, en guise de préambule, au bar,
c’est Tomasz DZIANO qui jouait une partie de son répertoire en hommage
à John Lee HOOKER. Seul sur scène, tantôt à
l’électrique, tantôt à l’acoustique, il nous a
interprété quelques morceaux du regretté John Lee, dont
les célèbres "One Bourbon,One Scotch, One Beer" et
"Boogie Chillen". Mais aussi d’autres morceaux moins connus car,
Tomasz y tient, HOOKER gagne à être connu et ne s’arrête
pas à quelques hits comme "Boom Boom".[...]
Tomasz fut fidèle à son image, captivant le public alors qu’il
a une attitude très simple sur scène. Son jeu toujours aussi
fin, est impressionnant tant il a su intégrer les tics et gimmicks de
John Lee, nous faisant ainsi revivre de nostalgiques minutes de blues profond.
Parmi les musiciens que j’ai pu voir en France, il est actuellement le seul qui
sache aussi bien interpréter la musique de John Lee HOOKER.[...]
24e festival Rhino-Jazz de Rive-De-Gier
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Les organisateurs du 24e Festival de jazz de Rive-de-Gier ont eu le nez creux
en consacrant une thématique blues à un hommage au
"père du boogie" disparu en juin 2001. C'est le musicien
polonais, Tomek DZIANO, par ailleurs leader du groupe lyonnais Street Blues,
qui, dans une ambiance intimiste, a délivré un set authentique,
soucieux de respecter l'esprit - et la lettre - de celui qui restera l'une
des figures dominantes de l'histoire du blues. Ce globe-trotter du blues
européen, vivant entre Lodz et Lyon, explique que sa musique, souvent
jouée sur un ou deux accords, vient des tréfonds de
l'âme...
Effectivement, dès l'introduction, sa voix sombre et
poignante donne le la et le frisson ! Sa version de "I Still Love
You" plonge dans une atmosphère dramatique et intense, aux rythmes
hypnotiques et lancinants. Lente descente dans le blues le plus primitif dans
"Big Boss Lady" avec un accompagnement minimaliste à la
guitare électrique, au son gras et bien sale, qui s'appuie sur des
riffs secs et vifs. Un talent évident souligné par le
réalisme et le naturel de son mimétisme avec The Healer.